L’Iraq est actuellement à une croisée des chemins qui rend les perspectives d’un éventuel voyage complexes et demandant attention et anticipation : la situation sécuritaire est plus qu’aléatoire et les structures sanitaires inexistantes.
La stabilisation recherchée depuis mai dernier par le nouveau premier ministre, Mustafa al-Kadhimi semble en effet avoir du mal à s’installer.
Une situation politiquement surdéterminée
Si ce dernier semble avoir réussi le pari d’être un « homme nouveau » tout en respectant l’équilibre des anciens poids-lourds de la politique locale, il ne possède pas de base propre ; s’il a su panser les plaies laissées par les manifestations meurtrières de fin 2019 -essentiellement sur motif social- le millier de morts relevé et, surtout, l’attitude des forces de l’ordre ayant tiré à balles réelles ont laissé des traces : la contestation sur fond de misère économique (chute des cours du pétrole, arrêt de l’économie informelle due à la pandémie de Covid-19) est une nouveauté, et une réalité hélas bien ancrée désormais. La perspective d’élections anticipées en octobre 2021 n’apporte pas forcément d’espoir.
S’ajoute à cela l’effet croisé de trois phénomènes plus politiques :
Tout d’abord, une situation régionale en pleine évolution : les soldats américains ont d’ores et déjà évacué près de la moitié de leurs troupes ; il en demeure environ 2.500, essentiellement stationnés dans le nord, à Erbil. De son côté, la Turquie ne cache pas ses intentions d’intervenir en sol iraquien afin d’éliminer les bases arrières du PKK qu’elle combat chez elle. Face à ces deux affaiblissements, le gouvernement de Bagdad parait bien démuni.
Ensuite le retour des milices confessionnelles, chiites notamment, qui, depuis l’incendie de l’ambassade américaine fin 2019 et l’élimination en représailles du général iranien Ghassem Soleimani, s’imposent dans la gestion du territoire et posent désormais un vrai défi à l’état ; le sud du pays vit ainsi presque totalement sous cette « double autorité » état/milices, des quartiers sud de Bagdad jusqu’à Bassora, pôle pétrolier sur le golfe persique. Dans le centre du pays (ex-bastion de Saddam Hussein), les sunnites s’organisent plus discrètement, partagés entre un soutien aux groupes terroristes et les quelques figures encore en vie de l’ex-parti Baas.
Enfin, bien que le gouvernement iraquien ait déclaré en décembre 2017 que la lutte contre l’État islamique en Iraq et au Levant » (Daesh ou EI) avait pris fin, le contrôle du territoire est bien loin d’être acquis.
Des combats isolés contre des groupuscules de Daesh sont toujours en cours dans la région de Mossoul et dans les gouvernorats d’Al-Anbâr (est), de Ninive, de Diyâla, de Kirkouk et de Salâh ad-Dîn (nord-est, aux limites des zones montagneuses, notamment les monts Hamrin).
Par endroit, les anciennes zones de combat sont fortement minées, notamment au nord de Bagdad et dans l’ouest du pays, dans le désert rejoignant la Syrie jusqu’à la ville frontière d’Abou Kemal où un noyau de l’E.I. est visiblement en reconstitution comme nous l’évoquions dans notre article sur la Syrie.
Des attentats quotidiens revendiqués par Daesh affectent la sécurité de l’ensemble de la population : dans les dernières semaines, l’on relève parmi les plus meurtriers 32 morts sur un marché de Bagdad fin janvier et plus d’une dizaine de paramilitaires tués au nord de la capitale quelques jours plus tard. Alors que l’on pensait les cellules de l’EI isolées et repliées loin des villes, cette résurgence des attaques urbaines souligne les lacunes de l’appareil sécuritaire ; il n’y avait pas eu d’attentat de cette ampleur à Bagdad depuis juin 2019.
S’ajoute à cela, en zone sunnite, le retour d’ex-combattants, ou de familles d’ex-combattants de l’EI, libérés des camps syriens et qui se regroupent, souvent de manière très précaire, dans les gouvernorats de Ninive, Kirkouk ou Salah ad-Dîn.
Le Kurdistan, autonome depuis 2005, forme un cas à part ; il est constitué des gouvernorats de Dahouk, Erbil et as-Soulaïmânîyah. Les conditions de sécurité y sont, de façon significative, plus stables que dans le reste du pays, la cohésion sociale y est une réalité et les forces de sécurité efficaces.
Cela n’épargne cependant pas les risques d’attentats (la semaine dernière, contre la base américaine d’Erbil par exemple) ; de même; la pression turque sur le nord demeure un facteur de risque très réel. Rappelons enfin que, malgré le statu quo actuel, le gouvernement régional du Kurdistan continue à revendiquer sa souveraineté sur le gouvernorat de Kirkouk, contrôlé par les autorités fédérales.
L’ensemble des régions frontalières est à éviter ; s’en approcher expose à une réaction violente et les personnes soupçonnées de franchir illégalement la frontière entre l’Iraq et la Syrie risquent d’être arrêtées et accusées de terrorisme, un crime passible de la peine de mort.
Des risques multiples
Concrètement, le site conseils aux voyageurs du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a placé l’intégralité du pays en zone rouge (« formellement déconseillée ») et précise que « en raison d’une situation sécuritaire régionale extrêmement volatile, il est formellement déconseillé aux ressortissants français de se rendre en Iraq ». Ceux qui y demeurent « sont invités à faire preuve de la plus grande vigilance et à prendre les précautions indispensables pour assurer leur sécurité. Il leur est notamment fortement conseillé de limiter leurs déplacements à l’intérieur du pays, d’éviter les rassemblements et de se faire connaître auprès de l’Ambassade de France à Bagdad et du Consulat de France à Erbil. »
Le risque terroriste est élevé sur l’ensemble du pays et très élevé dans le sud du gouvernorat de Kirkouk (région d’at-Tamîm) et ceux de Ninive, Salâh ad-Dîn, Diyâla et Al-Anbâr où les violences sont quotidiennes. Les modes opératoires sont multiples : kamikazes, engins explosifs improvisés (EEI), engins explosifs de circonstance (EEC), tirs d’obus de mortiers, armes à feu, bombes adhésives.
Les fêtes religieuses et les jours fériés sont des jours souvent recherchés par les terroristes et l’ensemble des lieux symboliques peut être visé : édifices gouvernementaux, y compris les écoles, lieux de culte, aéroports, ainsi que d’autres plaques tournantes et réseaux de transport, forces de sécurité iraquiennes, grands rassemblements, endroits publics comme les attractions touristiques, les restaurants, les bars, les cafés, les centres commerciaux, les marchés, les hôtels et autres lieux fréquentés par des étrangers. Il arrive aussi que des quartiers résidentiels soient ciblés.
La menace d’enlèvement ou d’attentat individuel existe sur l’ensemble du territoire.
Le danger liés aux mines et restes explosifs de guerre (REG) est réel sur l’ensemble des zones se trouvant le long des lignes de front passées ou actuelles.
La criminalité telle que les détournements de voiture, les vols qualifiés et la corruption sont devenues choses courantes. Après la tombée de la nuit, les conditions de sécurité se détériorent passablement dans la plupart des secteurs. Les affrontements violents opposant des membres du crime organisé, des gangs de rue, des militants, des milices rivales et les forces de sécurité iraquiennes sont réguliers.
Enfin, on portera une attention toute particulière à la situation des femmes qui, voyageant seules, peuvent subir certaines formes de harcèlement et de violence verbale.
Les postes de contrôle (« checkpoints ») sont courants à l’échelle du pays. Le fait qu’une personne porte un uniforme de la police ou de l’armée iraquienne ne garantit pas qu’elle soit investie de pouvoirs officiels. Il faut donc savoir à la fois coopérer, faire preuve de respect… et redoubler de prudence car ils sont potentiellement lieux de meurtres, d’enlèvements et de vols.
Situation sanitaire : des risques – peu de structures
La situation sanitaire en Iraq est précaire : outre un climat très exigeant (fortes chaleurs l’été ; très forte humidité le long de l’Euphrate et dans le delta du sud), les décennies de guerre ont mis à mal un système sanitaire qui fut un temps de qualité.
La pandémie de Covid-19 noircit encore le tableau : Depuis le 13 janvier 2021, et jusqu’à nouvel ordre, les voyageurs en provenance de France sont interdits d’entrée en Iraq pour des raisons sanitaires. Sont exemptés de cette interdiction les diplomates, les délégations officielles, les organisations internationales et les experts impliqués dans des projets de service public, à condition de pouvoir présenter à l’arrivée un test PCR négatif réalisé moins de 72h avant le départ.
Les déplacements sont limités et des couvre-feux sont en vigueur. Ces mesures peuvent varier selon le gouvernorat. La couvre-visage est obligatoire en public ; enfreindre ces restrictions expose à de lourdes amendes et des poursuites pénales, voire une peine d’emprisonnement.
En matière hospitalière, il n’existe aucun établissement réellement fiable pour traiter les urgences et les chirurgies lourdes. En cas d’évacuation sanitaire par voie aérienne à destination de l’étranger, les demandes d’autorisation de survol des avions médicalisés peuvent demander plusieurs heures. A l’exception de la région du Kurdistan, aucune évacuation sanitaire par voie aérienne ne se fait depuis les aéroports régionaux.
Aucune vaccination n’est obligatoire mais certaines sont fortement recommandées : mise à jour de la vaccination diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP) et du BCG, ainsi que les vaccinations contre la fièvre typhoïde et les hépatites virales A et B. La vaccination contre la rage peut également être envisagée en fonction des conditions et lieux de séjour.
Le paludisme sévit dans les marais du sud ainsi qu’au Kurdistan ; des cas de choléra ont été signalés par les autorités sanitaires dans les provinces de Najaf et ad-Diouânîyah et dans la partie ouest de Bagdad.
En Iraq, comme dans les pays surexposés de la zone, un voyage se prépare soigneusement, quelles que soient la nature et la durée du séjour ; l’aide d’un courtier spécialisé dans le sur-mesure à l’international vous permettra de cerner et couvrir vos besoins et de disposer de l’information pertinente au bon moment.