Malgré dix ans d’une guerre civile inscrite dans une tourmente régionale, les ONG n’ont jamais quitté le pays. un courant d’affaires (certes très restreint) est toujours demeuré opérationnel et, désormais, des agences de voyages (notamment spécialisées dans le domaine culturel) proposent des séjours sur les sites les plus notoires de la zone sous contrôle gouvernemental.
Sur son site « conseils aux voyageurs« , le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères rappelle que « tout déplacement en Syrie, y compris à Damas, Alep et Palmyre est formellement déconseillé (zone « rouge ») en raison des risques élevés auxquels s’exposent les voyageurs ». Il y est également souligné que, la France ayant fermé son ambassade sur place, la protection consulaire ne peut pas s’y exercer en cas de problème et que d’éventuelles arrestations ou détentions peuvent ne pas lui être signalées (les Français résidents sur le territoire syrien relèvent, pour les questions administratives, du consulat général de France à Beyrouth).
Une « stabilisation » des forces en présence
En ce début d’année 2021, quelle est la situation sur le terrain ?
L’armée arabe syrienne contrôle l’essentiel des zones du sud et du centre : Au-delà de Damas, du djebel Alaouite et du littoral méditerranéen (jamais perdus), la frontière avec la Jordanie, Homs et Alep ont été reprises dès 2014 – 2016. Dans le nord, le mouvement s’est confirmé avec la chute d’Idlib en février 2020. Ces territoires regroupent les 2/3 de la population et la majorité des grandes villes.
Dans les déserts du centre et de l’est, la « ligne de front » s’est stabilisée sur l’Euphrate. Si les forces jihâdistes ont évacué les villes de Raqqa et Deir er Zor respectivement en 2017 et 2019, la maîtrise des provinces éponymes n’est absolument pas assurée. Seule la route qui longe le fleuve depuis la frontière iraquienne est globalement sécurisée, ce qui n’y empêche pas des attaques ou attentats opérés par des groupes repliés dans le désert. Le « grand nord-est » (provinces précitées ainsi que celle d’Al Hasakah) reste acquis à la rébellion (Forces démocratiques syriennes) et une remontée en puissance de l’Etat islamique en Iraq et au Levant (Daesh) n’est pas à exclure, d’autant plus si la nouvelle administration américaine confirme son retrait d’Iraq.
Dans le nord, l’offensive turque d’octobre 2019 a rebattu les cartes : le pouvoir, qui s’est affirmé à Kobane, y partage de manière contrainte des zones d’influence avec les Kurdes et l’armée d’Ankara en un statu quo qui ne dit pas vraiment son nom. C’est notamment dans cette zone que, à plusieurs reprises récemment, la communauté internationale a reproché au pouvoir central d’empêcher des approvisionnements humanitaires hors de sa zone de contrôle.
Au sud-ouest, enfin, le Golan, occupé par Israël est un cas à part. Il faut ajouter que l’armée israélienne mène régulièrement des opérations éclair, parfois jusque dans la capitale.
Une situation volatile et des risques à l’avenant
Si la carte dessinée ci-dessus est effectivement figée depuis plus ou moins un an, la situation demeure volatile ; « avec cinq armées étrangères opérant en Syrie, le pays continue de présenter un risque de conflit (…) avec des implications potentielles dans toute la région » déclarait ainsi l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Syrie en décembre dernier.
Globalement donc, les risques sont de natures différentes selon le lieu où l’on se trouve : criminalité (même à Damas), arrestation arbitraire, implication involontaire dans une action des forces de sécurité, racket sur certains axes de circulation, enlèvement politique ou crapuleux, attaques ou attentats. Dans ce dernier cas, sont souvent ciblés : les édifices gouvernementaux, y compris les écoles, les lieux de culte, les aéroports ainsi que d’autres plaques tournantes et réseaux de transport et les endroits publics comme les attractions touristiques, les restaurants, les bars, les cafés, les centres commerciaux, les marchés, les hôtels et autres lieux fréquentés par des étrangers.
Il importe également de noter que l’accès au territoire syrien est soumis à des conditions strictes et les ressortissants français ne peuvent pas obtenir de visa aux points d’entrée. L’entrée illégale sur le territoire syrien expose à des poursuites pénales et une incarcération en Syrie mais aussi à une enquête en France sur les raisons d’un éventuel séjour.
L’aéroport international de Damas est ouvert et accueille des vols commerciaux internationaux ; les passages terrestres vers les pays voisins sont, eux, en grande partie fermés, à quelques exceptions près, notamment pour le commerce. Les passages entre les zones contrôlées par le régime syrien et celles contrôlées par des forces extérieures au régime sont aléatoires. D’autres restrictions, notamment la fermeture des frontières, peuvent être introduites sans préavis.
Bien évidemment, il est interdit de photographier certains sites civils, militaires et stratégiques. Cette observation doit être rigoureusement respectée sous peine de poursuites. Il est fermement recommandé de ne pas photographier les regroupements de personnes ni de s’en approcher.
Il faut enfin conserver à l’esprit que les services de télécommunications peuvent être interrompus entre certaines villes et à l’intérieur de ces villes lorsque des opérations de sécurité sont menées.
Une mention particulière pour les journalistes : ceux qui tentent de travailler en Syrie sans l’autorisation officielle des autorités s’exposent à des risques considérables. Les journalistes étrangers sont observés de très près et ont été parfois détenus par les forces de l’ordre ou d’autres groupes armés.
Un système sanitaire exsangue
Le système de santé en Syrie est totalement déstructuré. Du fait des nombreuses coupures d’électricité, les hôpitaux ne peuvent plus fonctionner correctement et sont dans l’incapacité de soigner les patients. Les mauvaises conditions d’hygiène sont à l’origine de la réapparition d’épidémies (poliomyélite notamment) ; le bureau humanitaire suisse estime ainsi que la situation sanitaire est en dégradation (équipement, pénuries de médicaments).
Aucune vaccination n’est obligatoire mais certaines sont vivement recommandées : diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP), tuberculose, fièvre typhoïde, hépatites virales A et B, méningite bactérienne et rage.
Dans le cadre du Covid-19, seul les hôpitaux publics peuvent intervenir (c’est interdit pour les privés) et la prise en charge est très médiocre. Le Croissant rouge syrien (SARC) vient d’ouvrir un centre en banlieue de Damas pour les expatriés atteints de cette maladie où les conditions sont un peu meilleures.
A Damas, l’hôpital Chami, « l’hôpital français » (sans lien avec la France) et « l’hôpital italien » sont les références privées qui ressortent, sans que la qualité des soins et la disponibilité de certains médicaments puissent être garantis. Le HCR opère également une petite clinique de qualité dans l’ex-Hôtel Four Seasons, ouverte aux visiteurs de passage.
Ailleurs dans le pays, c’est le Croissant Rouge syrien (SARC) qui gère les établissements de soins mais leur état est plus qu’aléatoire. Le SARC a également le quasi-monopole des ambulances. En cas de problème médical hors de Damas, la pratique est de rapatrier sur la capitale (ou sur Amman ou Beyrouth en fonction du lieu et de la pathologie) le plus vite possible.
En Syrie, comme dans les pays surexposés de la zone, nous continuons d’accompagner les ONG et les assistons dans leurs missions.