L’Afrique des Grands Lacs est, depuis le XIXè siècle, ancrée dans l’imaginaire occidental : prolongement sud de la vallée du Rift, source de fleuves emblématiques tels le Nil, le Congo ou le Zambèze, dotée de sols fertiles et de ressources en eau abondantes qui facilitent agriculture et élevage, elle fut au carrefour des influences coloniales belge et anglaise.
Avec près de 180 millions d’habitants sur 400.000 km², elle constitue une zone stratégique pour l’avenir et le développement du continent. Elle s’étend sur quatre états aux forts particularismes et à l’histoire politique, sociale et ethnique complexe : le Rwanda et le Burundi, l’ouest de l’Ouganda et l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Il conviendra d’y entreprendre un voyage en ayant conscience de ces particularismes et de leurs implications en matière de sécurité et de santé.
Une histoire récente agitée
Petits états voisins mais souvent en conflit, le Rwanda et le Burundi demeurent marqués par les guerres civiles des années 90. La mémoire du génocide des Tutsis par le gouvernement hutu de Kigali est encore vive (800.000 morts entre avril et juillet 1994).
Le pays a cependant retrouvé un réel équilibre depuis près de vingt ans ; toute référence raciale a notamment été bannie par la constitution. L’économie est en phase de croissance et repose sur des bases solides. L’approche des élections présidentielles en 2024 sera, en revanche, à observer de près.
Le Burundi traverse quant à lui une période précaire : depuis 2015, des tensions politiques perdurent et le contexte social est volatile. Son économie, peu diversifiée, est soumise aux variations des cours mondiaux (café, thé, coton). Près des deux-tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et certaines ONG ont cessé d’opérer en raison des quotas ethniques imposés par le gouvernement.
Au nord, l’Ouganda est un pays aux structures solides mais qui n’a pas totalement achevé son unité. Sa stabilité politique mérite cependant d’être soulignée.
A l’ouest enfin, la République démocratique du Congo est un géant aux pieds d’argile ; situées à près de 2000 kilomètres de la capitale, Kinshasa, les provinces orientales peinent à s’intégrer dans un espace régional qui est pourtant leur débouché naturel. L’isolement par rapport à un pouvoir central déjà faible peut être vu comme une entrave… ou comme un atout.
Des « no-go zones » nombreuses
L’histoire récente dessine une géographie du danger singulière : alors que par définition l’espace des Grands Lacs est transfrontalier, c’est sur les confins des pays qui le composent que les risques pour les voyageurs sont les plus grands :
La frontière Rwanda / RDC est classée en zone orange par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères côté rwandais et en zone rouge côté congolais : des bandes armées formées d’anciens génocidaires et d’ex-soldats fidèles au régime rwandais précédent sont présentes. L’armée de Kigali a ainsi mené plusieurs incursions en RDC pour détruire les bases de la « Force démocratique pour la Libération du Rwanda » (FDLR). Elle maintient d’ailleurs un dispositif militaire permanent à proximité de la frontière.
Pour ces raisons, au Rwanda, les visites dans le Parc national des Volcans ne sont pas recommandées ; de même, tout déplacement vers la forêt de Nyungwe doit être sérieusement encadré.
L’ensemble de l’est de la RDC est instable et peu contrôlé. L’attaque du 22 février 2021 au cours de laquelle l’ambassadeur italien, son garde du corps et un chauffeur du Programme alimentaire mondial ont été tués témoigne du niveau d’insécurité important dès la sortie de la ville de Goma.
Hors des villes, les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont parcourues par des groupes parmi lesquels le « groupe islamique des Forces démocratiques alliées » (ADF) qui revendique son affiliation à l’Etat islamique. Les armées congolaises et ougandaises ont récemment lancé plusieurs opérations contre lui. De même, dans la province du Haut-Uele, la « Lord’s Resistance Army » (LRA), mouvement syncrétique politico-religieux né il y a plus de 35 ans, dispose de bases arrières depuis lesquelles il mène une guérilla contre Kampala. Plus au sud, sur les rives du lac Tanganyika, le mouvement rebelle des « Maï-Maï » est toujours actif.
Au Katanga, la situation est tout aussi préoccupante, notamment dans le triangle Pweto-Manono-Mitwaba et d’importants déplacements de population sont à signaler. Dans la région de Kalemie, c’est un conflit coutumier ancien qui oppose Pygmées et Lubas, causant de nombreux morts.
Les enlèvements crapuleux deviennent réguliers dans l’ensemble des provinces citées et affectent également les parcs nationaux des Monts-Bleus (Ituri), de la Caramba (Haut-Uele), des Virunga et du Nyiragongo (Nord-Kivu) ainsi que de Kahuzi-Biega (Sud-Kivu).
Au Burundi, l’intégralité de la frontière avec la République démocratique du Congo est formellement déconseillée en raison d’affrontements nocturnes réguliers entre des militaires et des groupes rebelles en provenance de la RDC, entre la frontière et la route nationale 5 (RN5). Cette région est également sujette à de nombreux trafics (d’armes, notamment) et a été le théâtre d’attaques meurtrières. La chaussée d’Uvira (route RN4) qui mène vers Gatumba et la frontière avec la RDC, au-delà de la réserve naturelle de la Rusizi, est également classée rouge.
La frontière RDC/Ouganda mérite attention en raison des opérations conjointes des deux armées évoquées précédemment. De nombreux parcs nationaux ougandais se trouvent dans l’ouest du pays, à proximité immédiate de la RDC. De façon générale, il est recommandé de ne se déplacer dans ces parcs qu’accompagné de gardes de l’Uganda Wildlife Authority (UWA), organisation en charge de la protection des espaces naturels. Il est également conseillé de s’informer de la situation sécuritaire dans la région avant de s’y rendre.
La frontière Rwanda/Ouganda est depuis quelques années zone de tension entre les deux pays, essentiellement en raison d’accrochages avec des contrebandiers. Les points de passage peuvent être fermés sans préavis.
La frontière Rwanda/Burundi, enfin, met en présence deux états dont l’entente n’est pas au beau fixe ; même si des gestes d’apaisement réels ont été effectués de part et d’autre, là encore, tensions et fermetures momentanées peuvent se produire. Par ailleurs, côté burundais, l’intégralité du parc national de la Kibira et ses environs, ainsi que la partie ouest de la frontière avec le Rwanda au nord de la route RN10 sont formellement déconseillés en raison d’incidents frontaliers et de la présence de bandes dangereuses.
Délinquance et terrorisme : des menaces d’intensité variable
Selon les pays, l’exposition à la délinquance de droit commun varie grandement : elle est contenue au Rwanda, considéré comme relativement paisible, en augmentation en Ouganda, où les autorités réagissent parfois très vivement ; elle devient préoccupante au Burundi et est hors de contrôle en RDC.
Dans ces deux derniers pays, il est recommandé de choisir ses itinéraires, de recourir à la géolocalisation ou de se faire accompagner par des sociétés de sécurité spécialisées.
Le risque terroriste est également à prendre en compte. Outre les milices déjà évoquées (LRA en RDC et en Ouganda notamment) ainsi que la présence de groupes islamistes au nord-est de la République démocratique du Congo (provinces d’Ituri et du Haut-Uele, jouxtant l’Ouganda et le Soudan du sud), le Burundi est une cible potentielle pour les mouvements « Shebabs » somaliens en raison de la participation de l’armée de Bujumbura aux opérations de paix des Nations unies dans ce pays (ANISOM).
L’Ouganda a, quant à lui, été victime d’un attentat revendiqué par ces mêmes groupes voici quelques années ; les autorités ont durci leurs contrôles et semble-t-il jugulé les intrusions. Il en va de même au Rwanda, où l’organisation des forces de sécurité semble efficace.
Des risques naturels à ne pas négliger
Le nord-ouest du Rwanda est situé dans une zone d’activité volcanique et sismique. Des éruptions des volcans du Parc des Virunga, à la frontière avec la République démocratique du Congo, sont toujours possibles.
En RDC, toute la province du Nord-Kivu est exposée (séismes de 4 à 6 sur l’échelle de Richter). Le volcan Nyiragongo, situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma, est un des plus actifs et dangereux d’Afrique. Lors de son éruption en 2002, ses coulées de lave ont détruit près de 20% de la ville. Son éruption soudaine le 22 mai 2021, accompagnée de secousses, a causé de nombreux dégâts matériels et provoqué l’évacuation de dix quartiers. Le Nyamulagira, à quelques dizaines de kilomètres du lac Kivu, est également très actif (dernière éruption datant de 2010). Les randonnées sur les pentes des volcans ne sont pas sécurisées. Pour plus d’informations sur les comportements à adopter, une page dédiée du site « conseils aux voyageurs » fait le point.
La position des Grands Lacs au sud de l’équateur induit également des précipitations abondantes sur des reliefs marqués : glissements de terrains, coupures de routes et destruction de terres agricoles sont ainsi fréquents.
Une situation sanitaire sérieuse
Climat et faune oblige, la région expose le voyageur à un nombre important de maladies potentielles.
La vaccination contre la fièvre jaune est ainsi indispensable (on note une nette reprise de cette affection en Ouganda depuis quelques mois) ; de même, la mise à jour de la vaccination diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP) est recommandée ainsi que la vaccination rubéole-oreillons-rougeole (ROR) chez l’enfant ; la vaccination antituberculeuse est également souhaitable.
En fonction des conditions locales de voyage, une immunisation contre la fièvre typhoïde et les hépatites virales A et B peuvent être recommandées. Il est également préférable d’être protégé contre la méningite bactérienne A + C + Y + W135. Enfin, la vaccination contre la rage peut également être proposée dans certains cas, en fonction des conditions et lieux de séjour.
Le paludisme constitue la première cause de mortalité ; de même, le chikungunya est présent, tout comme la dengue. On relèvera de régulières épidémies de rougeole en RDC, tout particulièrement au Katanga et au Nord-Kivu. Le virus Ebola y persiste également ainsi que la variole du singe, la méningite et le choléra. Dans l’Ituri, des cas de peste ont été récemment signalés.
Pour être complet, l’ensemble du bassin est également sujet à la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (transmise par les moustiques) et à la fièvre de Marburg (transmise par les chauves-souris). La prise en charge de ces maladies constitue une urgence médicale et inclut notamment l’isolement et un traitement symptomatique ; il n’y a pas de vaccins spécifiques et seule la prévention permet de les éviter.
Il convient de croiser l’ensemble des informations qui précèdent avec l’état des structures sanitaires dans les quatre pays qui composent l’ensemble qui nous intéresse. Des précisions utiles se trouvent sur les sites internet des différentes ambassades de France. La situation est correcte au Rwanda et acceptable au Burundi (petits états doté d’un bon maillage en dispensaires, fussent-ils sommaires loin des villes). De même, l’Ouganda possède de bons établissements, mais ceux-ci sont tous situés dans la capitale et donc à près de 300 kilomètres des frontières ouest.
En République Démocratique du Congo en revanche, même les villes de Bukavu ou Goma ne possèdent pas d’hôpitaux publics opérationnels pour des urgences lourdes ; un appoint pourra être trouvé, selon les lieux et circonstances, auprès des installations médicales des Nations unies ou d’importantes ONGs.
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